Le clip de Play Boy a été réalisé par le canadien Patrick Boivin (le même qui a signé celui du single Le Lac). Le morceau constitue le deuxième single extrait de l’album La République des Meteors et est paru sur les plateformes de téléchargement légal, en avril 2009.
Il s’agit d’un clip un peu à part dans la clipographie du groupe, en effet, ce dernier est majoritairement réalisé en animation avec des papiers découpés, sortes de pop-up automates et très enfantins (amusant clin d’oeil aux jeux des années 60 réservés aux petites filles qui pouvaient s’amuser à habiller leurs poupées en papier de mille et une façons).
Depuis 2002, le groupe a pris l’habitude, sur chaque album, d’intégrer une chanson un peu « OVNI » : Punker pour Paradize (2002) et Vibrator pour Alice & June (2005). Il s’agit de chansons courtes, souvent gentiment trashs avec, par moments, des allusions sexuelles explicites.
Play Boy peut être considéré comme l’«OVNI» de La République des Meteors (2009). Il possède un son très « eighties » et une grande rythmique, très énergique.
Dans cette chanson, on retrouve le thème de l’ambiguïté sexuelle (thème privilégié de Nicola) avec un garçon (incarné en l’occurrence par ce dernier) qui représente le « moi, je ». Nicola revêt tour à tour des vêtements de femme, puis d’homme, comme s’il était (encore) à la recherche de sa propre identité sexuelle. Comme s’il en était encore au stade, somme toute enfantin, de son identification personnelle à travers l’expérience vestimentaire codifiée des deux sexes.
Il est d’ailleurs intéressant de noter qu’à la fin du clip, Nicola ne change plus d’habits mais carrément de corps : le chanteur d’Indochine passe d’homme à femme pour finalement rester une femme sur la dernière image de cette séquence. Un ultime clin d’œil à l’exploration intellectuelle et intime de ce thème lorsque l’on remonte à l’origine du fameux 3ème sexe.
A noter que ce titre est également un « OVNI » visuel au regard de l’imagerie guerrière développée par l’album et la tournée du Meteor Tour. Le clip, très coloré, est beaucoup plus léger et allègre que les derniers clips du groupe.
À la nuance près, que le fond d’ambiance du clip est noir. Comme pour signifier, graphiquement, que rien n’est jamais vraiment rose dans la vie. Une petite touche d’amertume et de lucidité.
La chanson est qualifiée par Nicola de « gag » ou de « récréation » sur l’album, comme pour relâcher un petit peu la pression et l’influence constante que renvoient les thématiques de l’album à travers cette imagerie de la guerre : l’absence, le manque d’autrui, la nostalgie des moments heureux…
Mais le clip est aussi propice à dépeindre et à se « moquer » de certains travers de la société actuelle. Le tout sur un fond de dérision et de « deuxième degré » mais toujours accompagné d’une douce acidité dans les piques adressées. Le morceau représente bien la position qu’aime à établir le chanteur d’Indochine, celle du vilain petit canard, qui met un point d’honneur à afficher sa différence et faire « tache ». On le sait, c’est l’un des angles d’attaque et de provocation préférés de Nicola. Il adore ça, surtout avec le poids que constitue Indochine dans le rock français aujourd’hui.
On a l’impression d’être dans un défilé. Un défilé de mode dont Nicola serait le mannequin. Mais également un défilé de politiques, d’hommes d’églises, de juges. Un mélange qui colle assez bien au titre, parfois annonciateur pêle-mêle de certains points de vues sur des « moments de vie ».
Une certaine polémique, plutôt interne aux fans, a surgi après la sortie du clip. En effet, il y avait dans le montage original des images de Carla Bruni et de Nicolas Sarkozy déguisés en tenues « SM ». Ces dernières ont ensuite été coupées au montage, pour la diffusion du clip en télévision. Qui est responsable de ce revirement ? Nul ne le sait, mais ces images mettaient en lumière une polémique liée au contexte très immédiat de l’actualité de l’époque avec l’éviction supposée, par le Président de la République, du désormais ex-Président de Radio France, Jean-Paul Cluzel. Ce dernier ayant posé, masqué, dans un magazine « gay », en tenue pour le moins osée, pour le soutien de la cause du SIDA.
Suite à la révélation de l’identité de ce dernier dans le magazine, il fut la cible de remarques acerbes. Le tout sur fond de campagne interne pour l’obtention d’un nouveau mandat de Président de Radio France, avec la nouvelle procédure de nomination des présidents de l’audiovisuel public, souhaitée par l’Elysée. Toujours est-il que ce dernier n’a pas été reconduit à son poste. À noter que les tenues illustrées du couple présidentiel dans le clip se rapprochent étrangement de celle de Cluzel dans le magazine. Dont acte.
Les paroles comportent des évocations assez limpides que Nicola assume ouvertement : « Moi j’ai du mal avec les artistes, surtout les français qui habitent en Suisse ».
Nicola dit ne viser personne en particulier mais on sait tous qui est le plus concerné par ces paroles (même s’il n’est pas le seul, le dessin du clip est largement identifiable) et l’on détermine assez bien, ici, la remise en cause d’un certain état d’esprit rongeant la société française, dont le malaise n’a fait qu’augmenter depuis un certain 6 mai 2007.
Actualité et prise de position sont donc au menu pour ce texte dont les références partent dans tous les sens, un peu à la façon d’un météore, finalement.
Néanmoins, la provocation se fait ici plus insistante. Nicola se pose en bouc émissaire innocent, incarnant encore et toujours ce côté isolé et incompris dans un monde hostile : « J’étais pourtant sûr que ça allait vous plaire », « Je suis juste un cas désespérant ». Dévalorisation de soi et complainte victimaire. Le tout sans désignation précise d’un coupable mais en livrant, et c’est assez nouveau, des propos plus personnels et engagés.
N’y voyez pas ici les prémices d’un engagement politique futur ! L’erreur serait grande. Il reste, comme il le dit lui-même, un « Républicain de loin…».
La vision de l’humain n’est pas optimiste chez Indochine mais contrairement à nombre de groupe de rock, ce dernier n’a jamais eu pour vocation d’emprunter au rock social.
La boîte, symbole récurrent dans les textes de Nicola (la fameuse « boîte en fer » de Révolution ou de 3ème sexe) est également présente visuellement dans ce clip. Comme pour illustrer cette sensation d’étouffement lié à un besoin d’expression mais également ce mal dont le chanteur est atteint et qu’il ne saurait définir : « J’ai une sorte de mal, une sorte de mal, un mal que je ne définis pas… ». Encore le symbole d’un exercice d’inaccessibilité chez Indochine. Le désir perpétuel de se maintenir hors du temps, hors du jeu. Pour un éternel recommencement ?
Le clip est construit d’une manière à coller, de façon assez permanente, aux mots de Nicola. Comme pour insister sur les idées et les appuyer à travers les images. Un travail qui peut s’avérer délicat si l’on ne surmonte pas l’écueil d’élever l’image au rang de fait illustrateur novateur au regard du fait générateur que sont les mots. La réalisation est ici de qualité, l’écueil est ainsi évité.
L’une des volontés du clip est d’imprimer ce sentiment de vitesse et d’urgence. Cette urgence est marquée par des plans très courts et du mouvement quasi systématique chez les personnages. Ils courent, ils jouent de la musique, ils évoluent sans cesse…
Une façon, là encore, de coller au rythme du morceau puis au texte et son empreinte météorique.
Pourquoi ce nom : Play Boy ? Peut-être ce désir et cet instinct adolescent de plaire, sans arrêt. Malgré le temps et l’âge, ce besoin narcissique de séduire demeure intact chez Nicola Sirkis. Ce côté juvénile et adolescent est d’ailleurs mis en avant d’une double façon dans le déroulement du clip : À la fois par la conception (l’approche d’une découpe en papier de personnages paraît très enfantine) que par l’aspect et le visage qu’affiche Nicola. Il suffit de comparer son aspect à travers ce clip et celui du Lac par exemple, pour s’apercevoir qu’il n’est pas du tout présenté de la même façon, physiquement.
Ces quelques mots viennent également nous rappeler à quel point l’univers de Nicola est prégnant. L’univers d’un homme Peter Pan évoluant dans un monde pseudo-adulte, qu’il trouve atterrant.
Plus simplement, l’on pourrait rapprocher les allusions sexuelles du texte et la référence du titre à la célèbre revue du même nom, c’est vous qui voyez…
À noter la troublante série, en cours, des titres d’Indochine contenant le terme « Boy » depuis l’album Dancetaria, paru en 1999 : Astroboy (1999), Mao Boy (2002), Lady Boy (2005) et donc Play Boy (2009).
Ce titre restera comme l’une des bulles d’air colorée et très actuelle, lancée dans le vaste ciel gris que représente le paysage musical pop/rock français.
Le groupe est d’ailleurs dévoilé sous de multiples styles vestimentaires dans le clip, comme un clin d’œil à l’évolution du groupe, toujours actif et dans l’air du temps mais sans jamais se compromettre.
Un morceau très entêtant, au refrain obsédant, qui marque bien l’influence musicale d’Oli2Sat (compositeur et réalisateur du groupe) dans l’Indochine des années 2000. On en redemande…
Guillaume TILLEAU et Vincent LALLIER
Titre original et réalisation : Play Boy, Patrick Boivin
Date de sortie d’origine : Avril 2009
Durée : 2 minutes et 55 secondes
Album : La République des Meteors (2009)
Artiste : Indochine
Label : Jive/Epic, (P) 2009 pour Sony Music Entertainment France (C)